L'apostasie des Humanistes

Écrit par HOMODONNEUR le . Publié dans Textes divers

taubira

À Federico Riesco

C’est avec une force de conviction qui lui est si particulière que Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux en conférence à Toulouse le 28 octobre 2013, exposa avec de belles et hautes voix ce qui fait les valeurs partagées du vivre ensemble de notre pays, plus communément désignées sous le vocable de République.

Le rappel – nécessaire !, du principe constitutionnel d’individualisation des peines fut mis en regard de notre Histoire, de Descartes à Condorcet, afin d’insister sur l’un des concepts fondamentaux de la Justice : mettre un terme au vis-à-vis entre les différents protagonistes en conflit ; et juger selon le Droit.

Elle appela ensuite de ses vœux une juste réforme pénale basée sur le rétablissement de la confiance envers les magistrats. Ces derniers, dégagés ainsi de tout automatisme législatif, seraient à même de préparer activement la réinsertion pour réduire le risque de récidive.

Le sous-entendu implicite réside dans le fait que chaque individu soit considéré comme une personne autonome, actrice et responsable de sa vie – et non comme membre d’une masse, aliéné à ses déterminismes.

Et que l’on soit de son bord politique ou pas, que l’on soit de La rose ou du réséda, il y a une conception qui isole définitivement du camp des Républicains ceux qui ne le sont pas : Les seules sociétés où sont contenus tous les risques sont les sociétés totalitaires.  

Avec la salve d’applaudissements qui venait couronner des propos dignes de Robert Badinter, la Ministre auréolée de ses passes d’armes relatives au mariage pour tous clôturait son discours en ouvrant le jeu des questions du public.

Dès lors, interrogé par nos soins sur la présomption de séropositivité qui frappe les homosexuels masculins et qui les exclut définitivement du don du sang selon l’arrêté ministériel du 12 janvier 2009, sa réponse ne fût pas vraiment à la hauteurde son discours.

Prise d’une forme d’acrophobie, ses belles envolées lyriques furent brutalement ramenées au sol par un vent mauvais.

Après nous avoir rappelé son attachement à la lutte contre toute forme de discrimination, elle enchaina son propos avec une magnifique palinodie, nous lâchant lâchement en rase campagne ce mot qui sonne si mal dans la bouche de la Gauche : Sécurité. Elle crût bon, certainement en guise d’excuses, de nous balbutier son ignorance en matières transfusionnelles.

Condorcet écrivait que même avec la Constitution la plus libre, un Peuple ignorant reste esclave.

Si le Collectif HOMODONNEUR lui pardonne volontiers ses maigres connaissances en transfusion sanguine ; en revanche comment peut-elle ignorer que tous les homosexuels ne sont pas, et loin s’en faut, contaminés ou en situation de le devenir ?

Le jour où une étude fiable et indépendante démontrera une plus forte prévalence au terrorisme chez les Musulmans par rapport aux non-Musulmans, faudra-t-il exclure du territoire national – et au nom de la Sécurité !, les 99,99% de Musulmans qui ne posent aucun problème?

Afin que nos écrits ne souffrent d’aucune ambigüité, il ne s’agit ni de nous livrer à une attaque en règle contre une personnalité ni de jeter l’opprobre sur une quelconque population, mais bel et bien de montrer comment des élites peuvent, à leur insu, tomber dans le chausse-trappe du sécuritarisme.

Christiane Taubira et Marisol Touraine sont, tout compte fait, prisonnières de leurs propres peurs à l’instar de leurs illustres prédécesseurs en la personne de Roselyne Bachelot et celle de Xavier Bertrand, dont ni l’engagement en faveur des minorités sexuelles pour la première, ni le courage politique concernant le second ne pourraient être remis en cause.

La peur évoquée n’est pas celle caractérisée par le rejet des altérités, mais celle désormais intériorisée par chaque responsable politique d’être potentiellement traduit en Justice, institutionnelle à l’occasion, populaire à coup sûr.

Au travers d’un principe, constitutionnalisé par ailleurs, la précaution a vitrifié toute politique alternative à la gestion du risque.

Qu’un danger avéré ou médiatique émerge, et l’injonction de solution prévaut avant toute formulation du problème, avant tout établissement de la nature même du risque : les décideurs sont sommés d’agir dans la précipitation.

Et, conséquence funeste en vue d’être immédiatement compris du troupeau, la désignation d’un bouc émissaire est la décision retenue de façon pavlovienne et irréversible.

Prise en 1983, la mesure d’exclusion au don du sang de tout homme ayant eu le moindre rapport sexuel avec un autre homme fut confirmée en 2009 par Roselyne Bachelot.

De tous les candidats à la dernière présidentielle de 2012, aucun des Républicains ne se prononça en faveur du maintien de cette mesure obsolète.

Aujourd’hui encore, aucuns ne s’opposent efficacement à la politique transfusionnelle justifiée par Marine Le Pen, authentique Marianne vociférant Liberté, Egalité, Sécurité, farouche opposante au don du sang pour tous, misérable épouvantail du sang contaminé.

Que l’on ne s’y trompe pas : les critères de sélection des donneurs de sang ne sont pas seulement des éléments décisionnels du seul ressort des médecins. Ils participent, au-delà du fait que le don du sang nous concerne tous, à l’établissement d’une société sachant allier sécurité et retenue, gestion du risque et raison.

L’apostasie des Humanistes n’est rien d’autre qu’une atteinte particulièrement grave à nos valeurs ; seuls les rejets sans équivoque de toute forme de démagogie, de réductions simplistes, d’amalgames et de son lot de stigmatisation seront à même de préserver, de rétablir et d’instaurer une véritable politique de civilisation.

L’abandon de nos peurs et le recours au rationalisme en sont nos deux puissants alliés.