Bilan Moral 2020

Écrit par HOMODONNEUR le . Publié dans PV d'Assemblées Générales

L’art du surf

 

Contrairement à une idée répandue, le surf n’a pas été identifié pour la première fois dans les îles Sandwich par James Cook, mais bel et bien vers 1640, sur les côtes Ghanéennes. D’une certaine façon, l’Afrique ne s’est pas contentée d’être le berceau de l’Humanité : elle est, pour ainsi dire, la planche de salut sur laquelle la communauté humaine doit à nouveau réapprendre à marcher – en l’espèce, glisser serait le verbe plus approprié.

C’est qu’il faut remarquer qu’en cette année pandémique, cette activité physique a pris une envergure mondiale tant il est devenu vital pour chaque structure humaine de maîtriser à merveille cet art si particulier de pouvoir surfer entre les vagues avec la même dextérité que les esprits les plus aiguisés savent lire entre les lignes. Ainsi, d’une première vague – sidérante, en une deuxième – insupportable, nous vivons désormais dans l’anticipation d’une troisième en mêlant à nos angoisses les plus pressantes nos espoirs les plus fous.

A ce moment précis où la dix-neuvième année du troisième millénaire rend l’âme, le temps est venu pour nous de relater comment nous avons encore su et encore pu nous adapter à des conditions qu’aucun qualificatif ou qu’aucun superlatif ne parviendrait à rendre compte parfaitement.

Face aux insurmontables difficultés nous n’avons commis ni l’erreur de lancer notre frêle embarcation contre les éléments déchaînés, ni celle de rester tétanisés à quai : dans une gestion du risque qui s’est voulue acceptable – pour le moins raisonnée, nous avons su lancer en mode dégradé et décalé notre « Insurrection des Jacinthes » contre la mise en application effective de la ceinture de chasteté réduite de douze à quatre mois, réduction qui ne change rien dans les faits : l’exclusion restant la règle.

Cette opération qui devait s’effectuer initialement le deux avril, s’est finalement réalisée le douze juin en permettant et de maintenir intacte notre capacité militante, et d’amplifier la pression sur les autorités sanitaires par l’irremplaçable levier médiatique. En dénonçant l’hypocrisie gouvernementale sur le risque résiduel de transmission du VIH – acceptable lorsqu’elle engendre une contamination tous les deux ans par le sang hétérosexuel, inadmissible lorsqu’elle engendre une contamination tous les ans par le sang homosexuel, nous avons mis en demeure le ministre de la santé sur la restauration des dépistages post transfusionnels. Rien cependant ne semble arrêter l’édile ministériel qui préfère, à l’instar d’un malchanceux marcheur sur de crottés trottoirs, s’essuyer de façon frénétique les pieds sur le paillasson d’AIDES en psalmodiant sa litanie sécuritaire plutôt que de répondre aux vraies questions.

Par ailleurs, force est de constater que depuis plus d’une décennie l’ensemble des initiatives parlementaires visant à graver dans le marbre de la loi la fin de notre exclusion ont systématiquement été dépossédées de leur substances ; quels que soient les Gouvernements, quelles que soient les majorités. La conclusion qui s’impose est la suivante : ce n’est pas au travers de l’élaboration législative mais par le biais du contrôle parlementaire sur le gouvernement que le ministère de la santé finira par décréter notre réintégration. En ce sens, les questions écrites du sénateur Yves Daudigny et de la députée Sylvie Tolmont sur la reprise des dépistages post-transfusionnels ont inauguré l’ouverture d’un second front pour lequel nous appelons l’ensemble des parlementaires à leur emboîter le pas.

Quant au comité de suivi, sa mise en état de mort cérébrale par le Pr Salomon n’est qu’une manœuvre de plus dans le but de faire valider au forceps l’étude Complidon II qui se veut être la énième démonstration rigoureuse et scientifique des vertus de l’abstinence sexuelle.

Toutefois, habitués depuis notre création à vivre dans un milieu globalement indifférent à notre revendication et parfois sournoisement hostile – donc à une pression sélective,  nous sommes les plus à même d’extraire du pire des situations le meilleur de nous-mêmes en innovant dans nos actions militantes.

En date du dix-neuf septembre, l’occupation pacifique de la nouvelle maison du don de Toulouse quatre jours après son inauguration officielle a atteint l’ensemble de ses objectifs. Tout d’abord elle a signifié aux autorités sanitaires notre ferme détermination d’obtenir gain de cause en dépit de notre interpellation policière. Et leur refus de porter plainte contre nous est la manifestation de leur volonté de minorer la portée médiatique de chacune de nos opérations. Qui plus est, elle nous a permis d’enchaîner avec la mise en place de notre Mission Taranis – authentique guérilla militante, qui a posé son premier pas le cinq décembre dans la conquête de notre réintégration, en dénonçant de façon virulente tant l’irresponsabilité gouvernementale que la complicité associative à laquelle AIDES s’emploie sans vergogne.

Cette année écoulée n’a pas été uniquement l’année où nous avons su surfer entre des récifs périlleux d’une écumeuse barrière de corail, débarquer discrètement sur des plages désertées et lancer des opérations inattendues dans l’optique de renverser le rapport de force : 2020 a marqué notre prise de conscience que seule la contrainte de l’Etat français par une politique offensive nous permettra d’obtenir satisfaction.

Le commando de la générosité que nous sommes a tenu ses promesses, et l’avenir sera obligé de nous donner raison.