Courrier électronique ouvert au DGS du 8 janvier 2024

Écrit par HOMODONNEUR le . Publié dans Textes divers

 

Le possible est une tentation que le réel finit toujours par accepter. 1)

 

Les êtres curieux par nature et intelligents par nécessité dont vous faîtes partie, Monsieur Emery, ne pourront que se jeter avec le plus vif intérêt dans l’ouvrage cité en exergue de la présente, et – qui sait ? – découvrir émerveillés la perspective épistémologique qu’offre la lecture intégrale de l’œuvre de Gaston Bachelard.

Dans l’immédiat, il s’agit pour nous de vous faire prendre conscience dans un premier temps que ce qui doit advenir finit toujours par arriver, et dans un second mouvement de vous interpeller publiquement sur toutes nos questions légitimes dont vous avez visiblement de graves difficultés à répondre lorsque les requêtes sont effectuées en interne 2)

Quant à votre compte rendu du Comité de Suivi Épidémiologique du 5 décembre 2023, dans la mesure où ce dernier comporte de trop rares omissions et interprétations sur nos prises de paroles, nous ne saurions que vous conseiller de prendre exemple sur le HCSP (Haut Conseil de Santé Publique) qui, lors de notre audition du 3 novembre 2021, a produit un compte rendu honnête et respectueux tant dans l’esprit que dans la lettre des échanges tenus.

Ce qui doit advenir finit toujours par arriver, pour commencer.

Notre réintégration aux mêmes conditions, malgré tous les prétextes scientifiques invoqués pour la retarder, est advenue le 16 mars 2022, quelques années après avoir obtenu notre réintégration au don de plasma sécurisé par quarantaine, le 10 juillet 2016, elle-même retardée inutilement par des arguments fallacieux comme celui d’une filière spécifique réservée aux donneurs HSH qui aurait eu un coût supplémentaire…

Et lors de la réunion du Comité précédemment évoqué, le HCSP tout comme le LFB (Laboratoire Français de Fractionnement et de Biotechnologies) ont confirmé que le don de plasma pour fractionnement des personnes guéries de la syphilis ne présentait aucun risque pour les receveurs.

Pour avoir vous-même déclaré que la science doit arbitrer les décisions sanitaires, vous en conviendrez aisément, Monsieur le Directeur Général de la Santé, que la réintégration des personnes guéries de la syphilis au don de plasma aura bel et bien lieu.

Y compris malgré vos interruptions autoritaires en pleine séance de Bruno Pozzetto du HCSP lorsque ce dernier a voulu développer davantage ses arguments, y compris lorsque le représentant de l’AFH (Association Française des Hémophiles) a stupidement déclaré qu’il ne fallait pas distinguer les différentes formes de dons…

Ce qui nous amène, comme promis, à enchaîner avec une liste exhaustive de nos légitimes requêtes.

Questions ouvertes au Directeur Général de la Santé

Question numéro 1 :

Depuis que la transfusion sanguine ne s’effectue plus de « bras à bras », la transmission de Treponema Pallidum est-elle encore possible sachant que cette bactérie a du mal à survivre plus de 72 heures dans une poche de sang conservée à 4°C ?

Sources : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1423-0410.1985.tb01131.x

Absence de transmission durant les 45 dernières années en Belgique, sources : https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/232643/1/Bact%C3%A9ries%20transmissibles%20par%20le%20sang%2021-11-2018%20-%20CMeex.pdf

Sources : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/vox.13554

Surcoût Australien : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/vox.12741

Absence contamination États-Unis depuis 1965, Pays Européens ne dépistant pas la syphilis, sources : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/trf.16696

Question numéro 2 :

Combien de cas de contaminations de syphilis sont observés en transfusion sanguine, année après année, depuis les trois dernières décennies ?

Cette question a pour but de sortir de l’approche probabiliste de SPF (Santé Publique France) pour établir la réalité statistique des contaminations, comme l’avait déjà soulevé en son temps le CCNE (Comité Consultatif National d’Éthique) dans son avis 3) démontrant que l’estimation probabiliste du risque résiduel de transmission du VIH était bien plus importante que la réalité observée des contaminations.

Question numéro 3 :

Quand va s’effectuer la réintégration au don de plasma pour fractionnement des personnes guéries de la syphilis ?

Question numéro 4 :

Quand allez-vous communiquer le cahier des charges du LFB aux membres du Comité comme vous vous étiez engagé à le faire ?

Question numéro 5 :

Quand allez-vous rétablir le dépistage post transfusionnel obligatoire afin que les personnes contaminées par un ou plusieurs agents pathogènes puissent être indemnisées et bénéficier d’une prise en charge thérapeutique au plus vite ?

Question numéro 6 :

Quel est le coût unitaire du dépistage VDRL (Venereal Disease Research Laboratory) de la syphilis en transfusion sanguine ?

Question numéro 7 :

Pourquoi la technique de dépistage transfusionnel de la syphilis a été modifiée le 15 mars 2022, soit un jour avant la réintégration des donneurs de sang HSH (Hommes ayant des rapports Sexuels entre Hommes) ?

Question numéro 8 :

13 pays d’Europe ont la même politique transfusionnelle de dépistage syphilitique que la France, quelle est la politique de 14 autres pays d’Europe en la matière ?

Question numéro 9 :

Pourquoi ne pas autoriser les personnes sous tératogènes 4) à pouvoir donner leur plasma pour fractionnement, notamment les personnes trans sous testostérone ?

Question numéro 10 :

Quels sont les chiffres de la prévalence et de l’incidence des HSH vis-à-vis de la syphilis durant les 3 dernières décennies, année après année ?

Question numéro 11 :

Comptez-vous demander officiellement au nouveau président de l’EFS, Monsieur Frédéric Pacoud, de lancer une campagne de communication officielle en direction des 25 000 donneurs de sang HSH ?

Question numéro 12 :

29 cas DGV+/HIV- ont été recensés parmi les donneurs sur la période allant du premier juillet 2021 au 31 décembre 2022 5), quelles sont, pour l’orientation sexuelle de chaque cas, les causes des séroconversions observées (non-compliance, partenaire non exclusif, …) ?

Question numéro 13 :

Pouvez-vous nous confirmer que la syphilis est une maladie bégnine lorsqu’elle est traitée précocement et qu’elle se guérit efficacement par injection d’une à deux doses de pénicilline ?

Question numéro 14 :

Quel est l’âge moyen d’une personne transfusée en CGR (Concentré de Globules Rouges) ?

Question numéro 15 :

Quelle est l’espérance de vie d’une personne transfusée en CGR ?

Question numéro 16 :

Sachant que depuis les 5 dernières années aucun EIR (Effet Indésirable Receveur) d’orientation diagnostique « infection syphilitique » n’a été recensé en France 6), est-il pertinent de ne pas maintenir le prélèvement actuel des donneurs de sang guéris de la syphilis comme prévu par la réglementation 7) en vigueur ?

En conclusion

Inutile de vous préciser, Monsieur Emery, que l’ensemble de ces seize questions ouvertes attend seize réponses étayées de votre part, en lieu et place d’un questionnement faussement naïf à l’endroit de nos requêtes, dont vous avez clairement abusé lors du dernier comité du 5 décembre dernier.

Comprenez également que vos réponses seront publiées, et que nous n’hésiterions pas à les compléter par d’autres questions ouvertes si besoin était.

Il va de soi enfin que nous vous laissons un délai plus que raisonnable pour ce faire ; la date symbolique du 16 mars 2024 – soit deux ans après notre réintégration – marquera la fin de notre patience et la reprise d’actions particulièrement amicales le cas échéant.

Et, pour l’ensemble des élus, des journalistes, des partenaires associatifs et du grand public destinataires indirects de la présente, nous leur devons la plus grande transparence quant à notre but.

Si, et seulement si, les preuves avancées en faveur d’une exclusion au don de sang total des personnes guéries de la syphilis étaient fondées, alors nous laisserions évidemment tomber cette revendication ; en revanche la réintégration des personnes guéries de la syphilis au don de plasma pour fractionnement devient une urgence sanitaire pour au moins deux bonnes raisons.

Tout d’abord, parce que sur le plan de la sécurité sanitaire les techniques d’inactivation des agents pathogènes du plasma pour fractionnement garantissent la totale innocuité des médicaments produits quant à la transmission de la syphilis.

Ensuite, parce qu’elle permet aux personnes qui actuellement ne peuvent pas donner leur sang total à cause d’une ancienne infection à la syphilis de pouvoir contribuer à l’autosuffisance nationale en plasma, dans un contexte très tendu à ce sujet depuis longtemps.

Et compte tenu de la prévalence et de l’incidence des HSH vis-à-vis de cet agent pathogène, nous ne voudrions pas qu’après avoir réintégré les donneurs HSH par la porte de l’EFS, ces derniers se retrouvent rejetés par la fenêtre de la syphilis…

C’est une manœuvre dont nous ne sommes pas dupes, Monsieur le Directeur Général de la Santé, et pour laquelle nous n’avons plus besoin de promettre des contre-mesures.

Notre réintégration définitive est une certitude, parce que le possible est une tentation que le réel finit toujours par accepter.